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User talk:Coulardeau

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Un livre sur Calhoun peut être fascinant pour comprendre l’enchaînement des événements qui mènent à la Guerre Civile. Il est donc bon que ce personnage politique soit un peu exploré. Ce volume reprend La Dissertation sur le Gouvernement publié en 1853 dans une traduction de Gérard Hugues et dote ce texte d’une longue présentation de Calhoun lui-même et d’une analyse de l’œuvre. Une remarque préalable s’impose : le texte de la Dissertation est criblé de coquilles, certaines difficiles. Ceci dit la lecture en est facile, même si j’ai remarqué quelques américanismes traduits littéralement. L’esquisse biographique donne la carrière de John C. Calhoun avec en arrière plan trois générations de sa famille, depuis les Highlands d’Ecosse, jusqu’à la plantation de Caroline du Sud. Vie d’errance : colons protestants en Irlande contre la population catholique du comté de Donegal, puis colons de la frontière en Pennsylvanie contre les Indiens, en particulier Iroquois, puis la Virginie Occidentale (sic), plus exactement l’ouest de la Virginie en colons installés contre les Indiens à nouveau, puis enfin dans l’ouest de la Caroline du Sud en pionniers et colons contre les Indiens Cherokees. C’est avec cet héritage qui s’étale du début du 18ème siècle (dates non précisées pour le passage en Irlande) à 1756 que naît John Caldwell Calhoun le 18 mars 1782 en Caroline du Sud où il deviendra le maître de la plantation familiale avec bien sûr des esclaves noirs. La carrière politique est décrite en détails ensuite. On doit regretter ici que le contexte économique de la vie de Calhoun soit réduit à l’identification du système social de Caroline du Sud comme étant esclavagiste. Aucun élément démographique, aucun élément économique ne sont donnés ce qui permettrait de bien mesurer le rapport de force démographique entre les noirs et les blancs. Aucun détail n’est donné sur les traités et les guerres avec les Cherokees, ni la moindre indication sur ces « Indiens Blancs » qui avaient accepté le système politique américain, son éducation et sa religion, son système économique, au point d’avoir eux aussi des esclaves noirs, et bien sûr les accords avec Madison, les remises en cause de Jackson et l’élimination des Cherokees ne sont même pas abordés de façon allusive. On peut et doit aussi poser les mêmes remarques concernant Madison et Jefferson, eux aussi maîtres d’esclaves. Cela est un manque car on est condamné à accepter l’a priori de Calhoun qui exclut toute considération sociale ou économique directe à sa réflexion pour ne prendre en compte que des questions constitutionnelles et institutionnelles formelles qui en apparaissent alors totalement abstraites. La carrière politique de Calhoun est aussi et ainsi réduite à une suite de conflits de personnes plus que d’enjeux de société, car l’enjeu social jamais posé dans le livre, c’est non pas la survie du système sudiste mais le développement économique et social du Sud des Etats Unis, et ce par l’industrialisation et l’économie de marché, seule solution viable et possible. L’esclavage bloque le Sud dans une économie de pays sous-développé producteur et exportateur de matières premières, que ce soit le coton ou le tabac. Cela ne peut apparaître que si on refuse l’a priori de Calhoun et si on met les mains dans le tissu social et économique. La pensée de Calhoun est une pensée suicidaire pour le Sud au niveau économique et social. L’analyse des péripéties politiques de la carrière de Calhoun est alors très événementielle et très réduite à des conflits de personnes plus encore qu’à des conflits sociaux et économiques. Ainsi l’épisode de la nullification des décisions tarifaires concernant les impôts à l’exportation et à l’importation (1828) n’est en rien compris dans sa dimension de développement économique historique. Le Sud est une aberration archaïque puisqu’il a une économie d’exportation de matières premières agricoles non transformées et d’importation de biens de consommation : une économie typiquement coloniale et dont la « métropole » est l’Angleterre. Il n’achète rien ou si peu au Nord industriel et il ne vend rien ou si peu à ce même Nord industriel. Ses clients et ses fournisseurs sont européens, et en premier lieu anglais. Mais aucune donnée n’est fournie sur cette situation économique archaïque et aberrante qui ne peut en rien assurer le développement du Sud. Plus encore, et rien n’est dit sur ce problème, la masse – majoritaire – des esclaves noirs ne sont pas des consommateurs car le marché leur est interdit : ils n’ont pas d’argent, ils n’ont pas de salaire. Ils vivent donc comme du capital fixe et non comme du capital variable. Ils ne sont qu’un coût pour la production et ne peuvent pas être un élément de développement de cette production. S’ils l’étaient le coton ne leur serait d’utilité que s’il était transformé, donc s’il était la base d’une industrie, ce qui n’est pas le cas. Plus encore, le livre utilise la référence à l’esclavage comme suffisante en soi. Rien n’est dit vraiment sur le traitement des esclaves à qui il est interdit de parler leurs langues, qu’ils ont oubliées au 19ème siècle (déculturation), de pratiquer leurs religions et souvent même une quelconque religion, avec la tolérance progressive d’une évangélisation ségrégative, de recevoir une quelconque éducation, même lire et écrire, d’avoir une vie de famille, les femmes étant soumises aux caprices des hommes blancs et les enfants étant systématiquement séparés de leurs mères et vendus à l’extérieur. Les planteurs ont tout pouvoir de justice, de vie et de mort, sur les esclaves qui ne relèvent en rien de la justice des USA, et quand ils en relèveront, beaucoup plus tard, ils seront jugés par des jurys exclusivement blancs. Cela ramènerait à sa vraie dimension de cynisme, la remarque de Calhoun sur l’unanimisme des jurys. Notons que l’unanimisme est une absurdité légale et judiciaire. Un jury doit déterminer la vérité et non chercher une solution à tout prix. La vérité, si le jury n’arrive pas à se mettre d’accord, c’est qu’il y a doute et donc que ce doute doit bénéficier à l’accusé. La justice défendue par Calhoun comme un modèle est en fait une justice qui ne protège en rien les droits de l’accusé, mais par sa pratique de l’unanimisme du jury met en péril ces droits et condamne, nous ne le savons que trop, y compris bien sûr à la mort, de nombreux innocents. Ces éléments de perspectives auraient vraiment permis d’approcher le texte de Calhoun sous un autre éclairage. Mais je voudrais revenir sur un aspect fondamental du texte : sa référence religieuse lourde. Lourde par plusieurs mentions qu’il faut analyser dans une approche de la conception religieuse de Calhoun. Cette mention puissante est absolument organisatrice de la pensée et de la vie de Calhoun, qui ne font qu’un. C’est une mention structurante. Pourquoi Gérard Hugues la rejette-t-il en fin d’analyse, construisant ainsi son analyse sur les arguments abstraits de Calhoun ? La mention religieuse devient alors chez Gérard Hugues un supplément de spiritualité alors même qu’il est le fondement premier et incontournable de la pensée de Calhoun. « C’est à l’être suprême, Créateur de l’Univers, que revient la tâche unique d’ordonner et de veiller sur le Tout [sic pour les majuscules]. Dans son infime sagesse et son infinie bonté, il a doté chaque catégorie d’êtres animés d’un statut de fonctions adéquates, il les a dotés de sensations, instincts, moyens et facultés les mieux adaptés à leur condition particulière ? Il a assigné à l’homme l’état social et politique comme le plus propre à développer les qualités et facultés morales et intellectuelles éminentes dont il l’a doté et, partant, il l’a constitué de manière non seulement à le contraindre d’adapter l’état social, mais aussi à rendre le gouvernement nécessaire à sa préservation et son bien-être. » (p. 119) Calhoun parle bien sûr ici de l’espèce humaine, mais on voit en dessous que cette espèce humaine n’est pas posée comme homogène. « Celui-ci [l’objet de l’instauration de la société] est essentiel, il est de préserver et de parfaire notre race ; celui du gouvernement est secondaire et subalterne, il est de préserver et de perfectionner la société. Tous deux sont cependant nécessaires à l’existence et au bien-être de notre race et tous deux son également de facture divine. » (p. 118) Ici Gérard Hugues se trompe : la « race » n’est pas la race blanche, mais la race humaine, comme nous le verrons plus loin. « Si l’on remonte à ce point, la voix du peuple qui s’exprime sous la contrainte qui lui est faite d’éviter le plus grand de tous les fléaux, par le truchement d’organes gouvernementaux ainsi conçus qu’ils suppriment toute expression d’intérêts partisans et égoïstes, et qu’ils représentent l’opinion du peuple tout entier préoccupé de son bien-être commun, cette voix peut, sans risquer le sacrilège, se nommer voix divine. Et il serait sacrilège de la désigner autrement. » (p. 140) On a ici le terme de « peuple » qui semble englober, comme dans la Constitution, l’entier du corps social américain composé des hommes libres, ou des hommes seulement asservis pour une durée limitée, mais exclut les femmes, les hommes asservis de façon permanente et les Indiens (parce qu’ils ne paient pas d’impôts comme dit la Constitution). Quelle est cette voix divine ? Nous reconnaissons ici le modèle de Moïse, puis celui récurrent dans Isaïe et Ezekiel. Le « peuple » ne peut suivre la voie de Dieu que s’il accepte son autorité qui s’exprime par l’intermédiaire du prophète et des prêtres. Dieu a le pouvoir de châtier ceux qui sont rebelles à sa loi, et surtout de purifier le corps social de ceux qui ne sont pas des promoteurs de cet ordre dans la soumission à cet ordre. Alors même que Calhoun défend le droit de vote, y compris en envisageant le suffrage universel, il reste attaché à une démocratie qui donne le pouvoir à ceux qui ont les qualités pour l’assumer. Mais il rejette la majorité numérique du fait du danger que représentent les pauvres, les ignorants et les asservis qui sont bien membres du peuple : « Un autre avantage qu’ont les gouvernements à la majorité concurrente sur ceux à la majorité numérique, et qui illustre bien leur caractère plus populaire, est qu’ils permettent sans danger que le droit de vote y soit largement étendu. Dans les gouvernements de ce type, l’on peut sans risque aller jusqu’au suffrage universel, c’est à dire autoriser, à quelques exceptions près, tout citoyen de sexe masculin et d’âge mûr de se rendre aux urnes ; cela n’est pas envisageable dans un gouvernement à la majorité numérique sans qu’au bout du compte le pouvoir soit placé sous le contrôle des membres les plus ignorants et les plus asservis de la communauté. Car tandis que la communauté s’accroît, s’enrichit, acquiert le raffinement et un haut degré de civilisation, la différence entre riches et pauvres sera de plus en plus marquée et le nombre des ignorants et des êtres asservis augmentera par rapport au reste de la communauté. Au fur et à mesure que le fossé qui les sépare s’élargira, la tendance au conflit sera accrue ; et lorsque la proportion des ignorants et des asservis augmentera, il ne manquera pas, dans les gouvernements à la majorité numérique, de dirigeants opulents et ambitieux prêts à les exciter et les influencer afin de prender eux-mêmes le pouvoir. » (p. 145) Il est clair ici que Calhoun de coupe pas la société entre blancs et noirs (même si nous pouvons penser que les noirs ne sont pas inclus, bien que je pense que le terme de communauté et non pas de peuple laisse entendre que les noirs y sont inclus), mais entre riches et pauvres, cultivés et ignorants, libres et asservis. Et il parle bien de communauté. Ses références à la « race » sont donc des références à la race humaine et non à la race blanche. Dans les pauvres, ignorants et asservis il met en bloc les noirs asservis et les ouvriers, de quelque catégorie que ce soit, pauvres et ignorants (entendons inéduqués). On a bien là une vision élitiste de la société, qui plus est pessimiste, puisque les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres et de plus en plus nombreux. Il est alors nécessaire – ce que ne fait pas Gérard Hugues – de spécifier le système censitaire posé par la constitution américaine : « The Convention did not … provide for popular elections, except in the case of the House of Representatives, where the qualifications were set by the state legislatures (which required property-holding for voting in almost all the states), and excluded women, Indians, slaves. » (Howard Zinn, A People’s History of the United States, 1980, 1995, p. 95) Cela aurait amené Gérard Hugues à une toute autre vision de l’approche de Calhoun. Dans sa logique ceux qui sont dignes du pouvoir ne peuvent être qu’une minorité. Sa proposition de majorité concurrente où toute minorité a un droit de veto sur les décisions de la majorité, quelle qu’elle soit, permettrait à cette minorité dominante d’avoir le dernier mot, et dans cette minorité dominante la portion sudiste d’avoir elle aussi le dernier mot. C’est donc un système absolument élitiste et en dernière analyse féodal que Calhoun propose. Un système féodal électif. D’ailleurs l’exemple qu’il donne de la Pologne montre bien ce qu’il a en tête : l’élection d’un roi, l’élection d’un corps dirigeant élitiste et un fonctionnement féodal d’acceptation de ce pouvoir d’une élite, prétendument investie de l’intérêt général, par la vaste majorité du peuple gouverné par ces gouvernants. Calhoun coupe ainsi la société en gouvernés et gouvernants, ce qui lui évite de parler de tout le reste. Or on sait parfaitement que cette coupure, cette contradiction même, n’a de pouvoir historique que si des considérations économiques et sociales l’investissent pour la faire sauter, la résoudre comme dirait les dialecticiens du 19ème siècle. « Or, étant donné que les individus diffèrent les uns des autres par leur intelligence, leur perspicacité, leur énergie, leur ténacité, leur compétence, leurs capacités à travailler et à économiser, leurs qualités physiques, leurs rangs respectifs et les chances qui sont les leurs dans la vie, c’est un fait inéluctable qu’en permettant que tous exercent leurs talents pour améliorer leur statut, il s’ensuivra une inégalité proportionnelle entre ceux qui ont ces qualités et ces talents au plus haut degré et ceux qui en sont démunis… Si l’on s’efforce de rabaisser les premiers au niveau des derniers ou d’élever les uns au niveau des autres par l’action du gouvernement, on brise cet élan et de fait, on arrête la marche du progrès. » (p. 153) On ne peut être plus clair. La conclusion qui s’impose alors c’est que Calhoun est condamné, avec le Sud, à être écarté de l’histoire car son système gèle la société dans un état de développement qui exige le dégel. Il ne prend en rien en considération la dynamique économique. Il veut faire survivre un système qui est historiquement et économiquement, et donc socialement, mort. On regrettera que l’auteur ne mette pas en avant deux questions importantes que Calhoun soulève. D’une part la liberté de la presse comme pouvoir d’expression de l’opinion publique. Mais Calhoun neutralise ce pouvoir comme ne pouvant pas assurer un quelconque équilibre dans la société, car la presse défendra nécessairement des intérêts privés. D’autre part les inventions (et il ne considère que la poudre à canon, l’imprimerie et la machine à vapeur) qu’il ne prend en compte que du point de vue militaire ou de l’accroissement de la productivité du travail qu’elles permettent. Il n’a donc compris ni la révolution proto-industrielle des 11ème-13ème siècles, ni la révolution culturelle, urbaine et manufacturière des 15ème-17ème siècles, ni la révolution industrielle des 18ème-19ème siècles. Il n’a pas plus compris l’importance du marché dans le progrès humain, du marché féodal de survivance autarcique au marché libre qui se construit avec la révolution industrielle qui donne à ce marché le rôle de réaliser la valeur ajoutée de la production et pour lequel tout être humain doit devenir un consommateur. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage de Gérard Hugues ouvre un chapitre important de la civilisation américaine, qu’il peut être un outil utile pour de nombreux étudiants à condition qu’ils élargissent l’information fournie dans ce livre.

Dr Jacques COULARDEAU 16:31, 3 December 2006 (UTC)Dr Jacques COULARDEAUDr Jacques COULARDEAU 16:31, 3 December 2006 (UTC)[reply]

David Banks, Introduction à la linguistique systémique fonctionnelle de l’anglais, Avant-propose de Michael Halliday, L’Harmattan, Paris, 2005

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Il s’agit là d’un manuel pour étudiant entrant dans l’étude de la langue anglaise d’un point de vue linguistique, mais non de la linguistique anglaise ni même de la théorie linguistique de Michael Halliday. Ce serait une erreur de chercher dans ce livre soit une approche critique de la linguistique anglaise, soit une approche approfondie de la linguistique systémique fonctionnelle de Michael Halliday. Ce n’est ni l’une ni l’autre. Simplement un manuel pour débutant en linguistique anglaise, du seul point de vue de la linguistique systémique fonctionnelle de Michael Halliday, ce qui est un choix comme un autre. Il y a plus d’une porte d’entrée dans le domaine de la linguistique.

Le point de vue adopté dans ce livre est descriptif plus qu’explicatif. Il ne se pose pas la question de l’origine des verbes, ou des noms, de la genèse de ces catégories. Il constate qu’elles existent. Et il expose une approche particulière de leur articulation les unes sur les autres. Il ne se demande pas non pluls si ces catégories sont justifiées et si, en partant d’un corpus de langue beaucoup plus vastes et non seulement indo-européennes on ne pourrait pas poser des catégories syntaxiques plus vastes, plus abstraites, plus générales. C’est ainsi que la catégorie d’adjectif de nos langues n’existe pas dans de nombreuses langues bantoues, et n’existe pas vraiment dans des langues indo-aryennes, l’autre branche de langues dérivées du sanskrit, comme le pali ou le sinhala ancien ou moderne. Ne parlons pas de la catégorie d’adverbe. Mais ces langues ont des procédures de qualification des noms ou des procédures de modification de la matière du procès porté par le verbe.

C’est une approche hiérarchisée en trois niveaux dont le point de départ ultime (effectivement présenté en dernier même si déclarée comme « ultime » dès le départ page 20) est l’idéologie. Notons que celle-ci n’est pas définie alors qu’elle le mériterait certainement car j’ai bien l’impression que ce mot couvre une vaste gamme de sens et de significations. Cette idéologie détermine le genre (contexte de situation), puis les contenus sémantiques, puis les contenus lexico-grammaticaux. Mais est-on en genèse ou en description du discours ? J’ai l’impression que les deux sont possibles, mais le livre lui-même semble suivre une procédure descriptive plus que génétique, surtout en terminant chaque étape par une analyse de texte.

La troisième caractéristique de cet ouvrage est l’utilitarisme. La conclusion insiste sur les usages et utilités de cette approche linguistique : selon les termes même de Sdavid Banks « la description des langues », « l’apprentissage des langues », « les études diachroniques », « la formation des traducteurs et interprètes », « la linguistique computationnelle », « la linguistique pathologique », « la linguistique légiste », « l’étude des liens entre la langue, la société, l’idéologie », « l’analyse des textes ». Et David Banks conclut : « la liste est potentiellement sans fin. » Cet utilitarisme est un handicap si on se pose des questions beaucoup plus vastes comme l’origine des catégories lexicales (verbe, nom, adjectif, adverbe, etc) et des fonctions syntaxiques (agent, thème, lieu, source, but, etc, bien que pour moi il n’y ait pas d’etc à ce niveau, mais simplement des combinaisons linéaires ou hiérarchiques de ces seules cinq fonctions), ou bien de la genèse du langage au niveau de l’espèce humaine (philogenèse), ou au niveau de l’individu (psychogenèse), ou au niveau de la société ‘sociogenèse) ou bien encore la valeur et le sens des paramètres numériques apparaissant dans les théories linguistiques, dans cette théorie entre autres.

Pourquoi page 18 on a un emboitement systématiquement binaire : mode = indicatif ou impératif ; indicatif = déclaratif ou interrogatif ; interrogatif = bipolaire ou WH- ? Que fait-on (en englais) du mode quasi-nominal et du subjonctif (God bless the Queen) ? Que fait-on de l’intensif ou de l’exclamatif ? Que fait-on des formes d’interrogation qui ne sont ni polaires (formes interrogative oblige), ni en WH-, mais des expressions du doute, voire la sollicitation d’une opinion car le locuteur est dans le doute, et ce marqué par une simple intonation supra-segmentale ?

Pourquoi le ternarisme systématique au niveau des mots différents de la phrase ? Trois niveaux d’analyse syntaxique, chacun ternaire. Au niveau du groupe nominal, adjectival ou adverbial : modifieur, tête, qualifieur. Au niveau du groupe verbal : auxiliaire, verbe, extension. Au niveau du groupe prépositionnel : intensifieur, préposition, complétif. Notons que la syntaxe de la phrase elle-même se trouve être ternaire avec ces trois types de groupes, le premier étant lui-même ternaire : groupe nominal/adjectival/adverbial, groupe verbal, groupe prépositionnel. Notons que l’ordre est signifiant qui ne pose pas le groupe verbal en premier mais en second. C’est là la marque d’une approche non centrée sur le « procès », la « relation » statique, active ou autre portée par le verbe et structurant l’architecture de la phrase, alors même que David Banls déduit et analyse la valeur sémantique du sujet à partir du sémantisme du verbe. Notons que le complétif peut être un nom ou un groupe nominal. Notons que le modifieur comme l’intensifieur peuvent être un adverbe. Notons que le modifieur peut être aussi bien un adverbe qu’un article. Mais pourquoi ces trois structures ternaires pour rendre compte de toutes les compositions syntaxiques ?

Notons que mis à part le binarisme de départ que j’ai signalé, ensuite tout le système syntaxique présenté est ternaire.

Une dernière remarque sur la langue étudiée. Il s’agit de l’étude de discours achevés, donc de textes. Cela permet alors de poser une fonction « sujet » qui n’existe qu’en surface ou dans certaines langues et qui, en plus, dans nos langues, recouvre des fonctions réelles multiples : selon David Banks, « acteur », « instrument », « force », « affecté », « ressenteur », « phénomène », « porteur », « signe », « possesseur », « annonceur ». Cette multiplicité démontre que nous sommes ici dans le seul champ de la valeur sémantique, de l’effet de sens que porte ce sujet dans la syntaxe de sa phrase et non dans sa fonction syntaxique qui ne peut être qu’agent, patient, lieu, source ou but ou des composés linéaires (thème-lieu par exemple) ou hiérarchiques (thème recouvrant un agent par exemple) de ces cinq fonctions.

Cette dimension de linguistique du texte est flagrante avec l’analyse d’un énoncé en [mode + reste] dans le chapitre 4 et en [thème + rhème] dans le chapitre 5. D’ailleurs cette dernière approche homogénéise les divers discours en prétendant que le thème est toujours en tête d’énoncé, interpersonnel (facultatif) puis topical (obligatoire) et qu’au-dela de ce dernier on a le rhème. Ainsi dans les phrases « [Cuthbert] read his breviary in the monastery garden », « [In the monastery garden] Cuthbert read his breviary » et « [His breviary] Cuthbert read in the monastery garden », le thème topical a été mis entre crochets. C’est ne pas voir que changer l’ordre canonique de surface d’un énoncé, c’est justement, en ne montant pas à ce niveau de surface, remettre en cause la relation superficielle, statique et figeante thème-rhème, seul moyen qu’a le poète, l’écrivain, le tribun, le rhétoricien ou même le malade mental, pour libérer sa langue de ce carcan. Cela amène David Banks à ne poser le verbe comme thème topical que dans l’impératif : « [Read] your breviary. » et d’ignorer la dynamique constructive et iconoclaste du discours en genèse. Je pense à ces énoncés que Culioli adore citer parce qu’il révèle des niveaux profonds de la langue antérieurs à la surface de l’énoncé canonique dont le canonisme n’est que de surface : « Read ! His breviary ! In the monastery garden ! Cuthbert ! Unbelievable ! » Et bien sûr il est hors de question de traiter chaque exclamation, chaque groupe en un énoncé complet. L’« énoncé » est nécessairement l’entier de cet exemple et nécessairement dans cet ordre.

Est-ce la « rhémification » ou la « thématisation » de tous les éléments d’un ensemble sémiologique visé ? Ou est-ce la négation pure et simple du couple thème-rhème ? Je ne serai pas non plus satisfait par l’idée que chacune des quatre premières exclamations sont quatre thèmes séparés auxquels la seule cinquième exclamation serait le rhème commun. On est ailleurs, on est resté ou remonté en-deça d’un énoncé de surface. On en est à des relations fonctionnelles syntaxiques pures, non réalisées en discours, et pourtant portées par l’ordre des exclamations : la relation procédurale (le verbe en thème nu) en premier, le thème (ou patient) en second, le lieu où le procès se déroule en troisième, l’agent en quatrième. On pourrait à la limite inverser l’ordre de ces deux dernières exclamations et avoir l’agent avant le lieu de réalisation du procès. Et finalement un lieu qualificatif ou qualifiant de l’ensemble des quatre éléments marqués de leurs fonctions syntaxiques et donc portés par une architecture syntaxique projetée sur l’ensemble par le verbe qui exige pour sa réalisation un agent (indispensable en actif), un thème (facultatif car le verbe concerné peut être aussi bien transitif qu’intransitif), et un lieu parfaitement facultatif..

Notons enfin la question suivante : pourquoi ce binarisme retrouvé avec [mode + reste] et [thème + rhème] (même modifié en [thème interpersonnel + thème topical + rhème], binarisme à deux niveaux et non ternarisme) ?

Un petit livre qui ouvre la porte sur l’approche linguistique de Michael Halliday (la bibliographie fait le point sur les publications de Michael Halliday et autour de Michael Halliday) et sur un certain nombre de problèmes linguistiques vus dans le seul cadre de l’anglais. C’est une bonne première étape, claire et aisée, pour aller plus loin dans la linguistique de l’anglais, dans la linguistique des langues du monde, dans la linguistique générale et théorique, selon les désirs et les orientations des étudiants. Je ne pense pas que David Banks ait eu une plus grande ambition que cet objectif en dernière analyse pédagogique pour étudiants d’anglais spécialistes ou non.

Dr Jacques COULARDEAU 12:59, 6 December 2006 (UTC)Dr Jacques COULARDEAU[reply]